Article • 19 10 2018

Le sport, cette marque hybride…

L’univers du sport est en pleine transformation. Qu’il s’agisse des clubs, des fédérations, des tournois ou des grands évènements sportifs tous se posent la question de leur singularité. Mais comment se traduit-elle ?

Cette singularité peut s’exprimer via des valeurs structurantes, mais également via une image forte qui doit cristalliser histoire, vision et promesse. En somme, les entités sportives se construisent de plus en plus comme des marques. Mais pas comme n’importe quelle marque. Elles sont des « marques auto-communicantes ». Le branding ne précède plus la communication. Branding et communication ne font plus qu’un, une « chose » hybride où, expressions graphiques et verbales forment une identité. Prenons l’exemple de la Fédération Française d’Athlétisme qui a récemment fait évoluer son acronyme, FFA, pour une dénomination issue du langage parlé : ATHLÉ. Cette contraction sémantique du sport premier, l’athlétisme, vise à populariser des pratiques dans un environnement plus « pop » qui sort du stade. La marque laisse le pratiquant s’exprimer dans un territoire modulaire qui s’adapte à toutes les disciplines.

Ce caractère hybride des marques de sport a une portée d’autant plus grande qu’elles sont désormais à la fois des marques lifestyle, de spectacle, de divertissement mais aussi des médias. Cette hybridation est à l’image de leur business model qui devient de plus en plus complexe. Vivre de licences et de revenus liés à la publicité ne permet plus aux clubs ou aux fédérations de créer la valeur nécessaire à la poursuite de leurs ambitions.

Les entités sportives doivent se construire autour d’une idée forte. Cette idée, portée par la marque, permet de créer, d’activer, ou de modifier des sources de profit et des postes de coûts. Par exemple, le Championnat NCAA de basketball aux Etats-Unis ou ASPIRE au Qatar, (équivalent de l’INSEP en France), ont construit une proposition de valeur beaucoup plus large que l’univers du sport pour développer de nouveaux services. De fait, l’ensemble de ces organismes disposent d’une grande diversité de savoir-faire qui n’attendent que d’être monétisés.
– Quid d’une formation accélérée des leaders d’entreprise par un coach sportif ?
– Quid d’évènements extra-sportifs organisés dans des enceintes de haute qualité ?
– Quid d’une rééducation alimentaire accompagnée par des nutritionnistes chevronnés ? …
Les idées et les opportunités ne manquent pas. Il faut les concrétiser dans des business cases nouveaux.

Pour les clubs de sport, et plus particulièrement pour les clubs de football confrontés à des enjeux financiers colossaux, l’ouverture et la diversification sont des nécessités. La diversification du business model doit permettre d’amortir des investissements de plus en plus lourds sur les actifs tangibles (des stades plus technologiques et expérientiels) mais aussi sur les actifs humains (des marques joueurs qui cohabitent avec la marque club).

Et il s’agit là de la seconde spécificité de la marque dans l’univers du sport. Elle doit être particulièrement flexible et malléable. Ainsi, est-il essentiel d’établir un territoire de stretch (déconnecté de son cœur de métier) et d’extension (connexe à la marque) pour étudier jusqu’où elle peut se diversifier. Le PSG est allé progressivement vers des contrées audacieuses en concluant des partenariats avec Levi’s, Maison Labiche ou même les Rolling Stones. Il y a quelques jours, le club prouvait une fois encore sa capacité à innover en matière de stratégie commerciale en annonçant le lancement de sa cryptomonnaie en partenariat avec la start-up Chiliz.

Outre cette dimension stratégique, l’incarnation graphique de la marque est cruciale. Sans le rebranding du PSG, les choses auraient-elles pu être différentes ?
L’impact créatif joue un rôle prépondérant pour les marques de sport qui évoluent dans des univers graphiques et verbaux très complexes et très chargés.
Qu’il s’agisse d’un tournoi ou d’un club, l’identité évoluera au milieu des sponsors et sera consommée sur de multiples médias. La marque vivra principalement à travers des écrans. Son impact graphique ne doit pas rentrer en conflit avec les marques qui l’entourent. Émerger tout en se fondant dans des stades, des maillots et des affiches est un vrai challenge. Il y a tellement de parties prenantes qui gravitent autour des marques de sport qu’il devient ainsi illusoire de faire appliquer une charte graphique traditionnelle. Il faut la repenser.
L’équation est complexe mais passionnante. Elle repose sur une belle articulation entre histoire, valeurs, personnalité de marque et tendances design.

In fine, dans tous les cas de figure, la marque de sport doit être conçue pour être partagée ; un partage presque primitif avec des gestes et des sons simples mais puissants. C’est comme cela que nous devons concevoir l’ensemble des signes des marques de sport puisqu’ils donnent et rappellent des émotions qu’aucun autre univers ne réussit à transmettre.

Mathieu Sakkas – Head of Strategy

Credit Photo: Nike