News • 07 11 2023

La couleur, une espèce en voie de disparition ?

Lundi, 8h30, boulevard périphérique parisien.
Un flot ininterrompu de véhicules noirs et gris.

Au même moment dans le métro londonien, une marée d’imperméables et de duffle-coats tous plus noirs et bleu marine les uns que les autres.

Sommes-nous à court de couleurs ? Sont-elles une espèce en voie de disparition ?

De l’industrie automobile, dans laquelle 80% des voitures sortent noires, blanches ou grises des usines, aux boutiques de luxes dont les tons oscillent entre beige sable et lin naturel, notre quotidien voit la vie en crème et gris. Mais ça n’a pas été toujours le cas ! L’utilisation des couleurs a souvent été le reflet du moral de notre société. L’optimisme des Trentes Glorieuses fait ressortir les couleurs chatoyantes dans nos rues et nos maisons. En 1952 par exemple, 75% des voitures sont bleues, vertes ou rouges. Des années 60 à 80, les intérieurs de nos grands-parents et parents se parent d’orange, de rouge, de jaune.

Avec les années 2000, la sobriété et les tons neutres s’installent durablement. Plusieurs raisons sont évoquées : l’utilisation des matériaux en architecture (bois, verre, béton, métal), la vivacité des couleurs des écrans qui envahissent notre quotidien et appelle à davantage de douceur et de neutralité par ailleurs. L’artiste David Batchelor va même jusqu’à théoriser cette peur de la couleur dans la société occidentale au début des années 90 dans son ouvrage « Chromophobie ». Vulgaire, féminine, infantile…la couleur ne pourrait pas être prise au sérieux et serait donc à éviter.

Bonne nouvelle pour le moral des troupes, la fadeur des Trente Génériques évoquées par Jean-Laurent Cassely dans « No Fake » semble s’estomper ces dernières années au profit d’un retour de la chromie. Espaces de coworking, boutiques, restaurants, nos lieux de vie reprennent des couleurs !
Prenons le cas du rose par exemple ! Trop fillette ? Trop charnel ? Il est aujourd’hui devenu l’un des basiques du retail dans des domaines variés : en cosmétique avec Glossier, facile. Mais aussi en prêt-à-porter avec Acne à Paris ou Novelty à New-York et même en restauration avec la prouesse d’India Mahdavi à Londres pour The Gallery at Sketch. Pink is the new black !

Nos villes sont un formidable terrain de jeu pour les marques audacieuses qui oseront se démarquer pour se faire remarquer. Les écrins de verre et de béton ne demandent qu’à jouer de contraste et de rythme avec des couleurs plus vives, dénichées parmi les 350 000 couleurs que l’œil humain est capable de percevoir. L’innovation dans la fabrication de matériaux plus respectueux comme dans la peinture ou les panneaux en plastique recyclé par exemple promet aussi une longue vie à la couleur dans nos villes vertueuses.

Combien de couleurs compte votre charte graphique ? 3 ? 4 ? Et pourquoi pas 10 ? 12 ? La diversité des couleurs qui s’offre à nous peut permettre de créer des associations singulières à utiliser en fonction des typologies de supports. Prenons la signalétique par exemple. Traditionnellement, la boucherie est signifiée par le rouge et la poissonnerie par le bleu. Mais pourquoi ne pas puiser dans différentes nuances de rouge et de bleu pour rendre son langage signalétique unique et propriétaire tout est respectant les codes admis par les consommateurs ?
Dans un monde où les signes, les symboles sont omniprésents, la couleur est souvent cantonnée à nos écrans alors qu’elle est un medium de communication et de différenciation très puissant pour nos lieux de vie.
Alors faisons descendre les couleurs dans la rue !


Elodie Cadet
, Directrice de clientèle